Quand « se
sacrifier » pour sa famille relève en fait de l’égoïsme et de la peur, et
saccage des vies.
Cet extrait de la quatrième de couverture exprime assez bien
la situation de l’étrange famille mise en scène par Anne-Frédérique Rochat :
une femme de quarante ans qui a pris la place de ses deux parents, tant auprès
d’eux-mêmes que de sa petite sœur de vingt ans sa cadette. Elle se sent
responsable de chacun des membres de sa « petite famille » qu’elle
mène à la baguette et traite encore comme des enfants. Il est vrai qu’à travers
son regard, ses parents, sans être séniles, semblent assez irresponsables, détachés
de la réalité matérielle et peu capables d’élever leur seconde fille.
Néanmoins, au fil du roman, ce portrait se nuance et est contrebalancé par
celui de la narratrice principale : autoritaire, sure d’elle-même et de
son bon droit, elle n’hésite pas à rabrouer vertement toute tentative d’émancipation
qui pourrait menacer son sentiment d’être indispensable à sa famille. Sans ce
sentiment, le sacrifice de son unique amour de jeunesse perdrait tout son sens,
et le poids de vingt années de vie gâchées reviendrait peser sur ses épaules…
Cette situation est présentée par le biais des pensées et
des souvenirs de Charlène, la narratrice, au cours d’un mois de vacances, qui
viendra bousculer cette petite vie bien établie. Les dialogues entre les
membres de la famille sont également très présents, et le style est celui de l’oralité
informelle : Anne-Frédérique Rochat a été comédienne et dramaturge avant d’être
romancière, et cela se ressent dans son écriture, ainsi que dans la
construction de l’intrigue. Chaque élément est en effet amené au cours des
dialogues ou monologues, sans contextualisation préalable au début du roman par exemple.
Cela permet d’instiller une tension progressive et discrète, qui souligne d’autant
plus la scène finale tout en la préparant. L'auteure a excellé dans cette mise en place, toute en non-dits et en malaise.
En conclusion, un roman inquiétant, parfois mystérieux, qui
se laisse lire agréablement.
[Anne-Frédérique Rochat, Le
sous-bois, Avin, éd. Luce Wilquin, coll. Sméraldine, 2013]
* A la découverte des éditions Luce Wilquin *
* Littérature francophone d'ailleurs : Suisse *
Dans la même collection :
- Comme un roman-fleuve, Daniel Charneux
- La danse de l'abeille, Françoise Houdart
- Une aïeule libertine, Claudine Houriet
- Les mots de Maud, Jean Jauniaux
- La méridienne du cœur, Aurelia Jane Lee
- Sur la pointe des mots, Marie France Versailles
que de livres intéressants en francophonie
RépondreSupprimerUn livre à garder dans un coin de la tête mais pas pour tout de suite. Pour l'instant, j'ai envie d'évasion :-)
RépondreSupprimerJe pense qu'il pourrait te plaire, tu fais bien de le garder en tête :) Quelles évasions envisages-tu prochainement?
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