La Belle aux oranges, Jostein Gaarder



Après une agréable surprise, Vita brevis, c’est sur une déception que je poursuis ma découverte de Jostein Gaarder en compagnie de Tête de Litote : La Belle aux oranges fut pour moi une lecture agaçante et ennuyeuse. Ce ne fut heureusement pas le cas pour ma compagne lors de cette LC, qui a apprécié retrouver l’univers de l’auteur : je ne peux donc que vous inviter à lire son avis en contrepoint du mien.

La forme épistolaire m’intéressait pourtant a priori dans ce roman : le jeune Georg reçoit une lettre de son père décédé dix ans auparavant. Laissée dans une poussette rouge, elle est retrouvée par la grand-mère du premier narrateur et remise à son destinataire âgé d’une quinzaine d’années. La narration est alors partagée entre le récit du père et les interventions du fils au cours de sa lecture. L’idée était plutôt bonne et permettait une certaine mise en abyme de la situation du lecteur : les questions que l’on pouvait soi-même se poser étaient relayées par Georg, et un dialogue s’installait en quelque sorte entre les deux personnages. Malheureusement, ces interventions m’ont davantage agacée que vraiment intéressée : tout comme son père, le narrateur annonce des explications à venir par la suite, des énigmes qui seront résolues, ce qui finit par tuer ma curiosité à force de l’aiguiser. Le lecteur est laissé dans l’attente et le mystère de façon bien trop peu subtile à mon goût : je n’aime pas languir ainsi. De plus, les longs développements sur le télescope Hubble m’ont laissé indifférente. On n’apprend le sens de leur présence insistante qu’à la fin du roman, mais il est alors trop tard pour moi, l’ennui a déjà fait son travail de sape.

Et la Belle aux oranges du titre ?, pourriez-vous me demander. La longue lettre du père est censé raconter son histoire avec elle, mais j’ai eu le sentiment qu’on la cherchait plus qu’on n’apprenait à la connaître : cela prend une bonne moitié du roman plus exactement. Pendant ce temps de recherche, le père établit un certain nombre d’hypothèses sur lesquels il dit ne pas vouloir s’appesantir tout en le faisant tout de même et en alourdissant son récit du même coup. Lorsque la rencontre a enfin véritablement lieu, on apprend l’identité peu surprenante de la Belle : c’est là que j’ai été déçue par tant de mystère autour d’une jeune fille assez banale finalement. L’histoire est belle, mais m’a laissé un goût de « tout ça pour ça ? », de même que la fin. J’ai trouvé cette dernière vraiment peu subtile (le lecteur est suffisamment intelligent pour se sentir concerné sans qu’il soit nécessaire de s’adresser directement à lui de façon aussi pédagogique, il me semble) et assez prévisible.

En conclusion, l’histoire aurait pu être belle et touchante, mais elle est alourdie par de trop nombreuses digressions prenant sens trop tard et par un style inapproprié : Georg semble à la fois trop mature par les idées qu’il développe et pas suffisamment par la façon dont il les exprime. Une rencontre manquée pour moi.


[Jostein Gaarder, La Belle aux oranges, trad. du norvégien par Céline Romand-Monnier, Paris, Seuil, coll. Points, 2003.]

* Cercle de lecture de Tête de Litote : littérature épistolaire *
* Un mot, des titres : beau *

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13 commentaires:

  1. Je n'ai pas lu celui-là, mais j'ai un mal fou avec Jostein Gaarder. C'est bête à dire, mais il m'ennuie totalement. Je n'ai jamais pu apprécier un de ses livres (ça, c'est quand je réussissais à le terminer) et ce n'est pas faute d'avoir essayé!

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    1. Si ses autres romans sont dans le même style que celui-ci, je risque d'être du même avis que toi... J'avais eu le sentiment que Vita brevis proposait quand même une discussion philosophique intéressante : à la fois une présentation vulgarisée de la pensée de Saint-Augustin et une remise en question de certains points de celle-ci. Dans cette Belle aux oranges, je n'ai pas très bien compris le lien entre l'histoire d'amour et la petite morale finale : elles étaient trop dissociées et trop convenues.
      Je compte encore essayer le préféré de Tête de Litote, Le mystère de la patience, puis arrêterai sans doute là, les autres me tentent moins.
      Je comprends donc tout à fait ton ennui "grâce à" cette lecture-ci !

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    2. En fait, j'ai lu (ou tenté de lire dans certains cas) Le mystère de la patience, Le monde de Sophie, La fille du directeur de cirque. Je voulais absolument comprendre l'engouement, surtout autour du Monde de Sophie. Et l'impression que tu as eu pour le style s'applique pour moi au reste de l'oeuvre, le "pire" étant Le monde de Sophie pour moi. Je ne comprends toujours pas en fait pourquoi ça a eu tellement de succès et pourquoi moi je n'y accroche pas du tout.
      J'aime la philosophie. Je devrais accrocher. Cet auteur est un vrai mystère pour moi...

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    3. Ca ne me rassure par pour Le mystère de la patience... Je resterai éloignée du Monde de Sophie comme je l'avais déjà prévu : ce n'est pas moi qui t'expliquerai son succès. C'est vrai que c'est assez étrange. Tu as déjà essayé Coelho ? Parce que celui-ci m'y a fait penser.

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    4. Désolée de ne pas te rassurer ;)

      Oui, j'aime bien Coelho. En fait j'ai surtout lu ses premiers livres. Je ne connais pas vraiment ses derniers.

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  2. Dommage qu'une couverture aussi belle ne t'es finalement pas séduite par son contenu. Comme tu dis, l'idée était bonne pourtant mais... quand on commence à s’endormir sur un livre c'est mauvais signe ^^

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    1. C'est vrai qu'elle est bien choisie, cette couverture, pour une fois : tout y est, sans trop en révéler ; vraiment juste parfaite. Je n'allais pas jusqu'à m'endormir sur le livre, mais tout ce suspense mal géré m'a usée, c'est sûr.

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  3. Le monde de Sophie fut pour moi "une lecture agaçante et ennuyeuse" (Comment cela, je suis une copieuse ?). Je ne retenterai pas cet auteur de sitôt. Bises

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    1. Je ne comptais pas tenter Le Monde de Sophie de toute façon. ;) Décidément, je ne pensais pas que cet auteur avait tant d'"ennemies" ! Je comprends que tu n'aies pas envie de retenter dans ces conditions.
      Bises.

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  4. Hum il me tente moyen celui là. La bise

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    1. Je n'ai pas fait beaucoup pour donner envie aussi... La bise et merci de ton passage ici.

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  5. J'aurais pu être attirée par la forme épistolaire de ce roman, mais je te fais confiance et je passe mon tour.
    Merci !

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    1. De rien :) Je m'y suis laissé prendre et ne suis apparemment pas la seule : je comprends mieux sa présence importante chez le bouquiniste où je l'ai trouvé.

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