Une belle histoire d'amour qui finit bien, Xavier Deutsch


Présentation de l’éditeur :

« Mieux que retrouvés, nous nous étions reconnus : à la façon de ces particuliers qui se rencontrent autour d’une lecture de poèmes japonais, ou lors de la réunion de la section locale d’un parti de gauche, et qui s’exclament "Comment ! Toi, ici ?", nous venions de comprendre qu’une passion commune pour le XVIIIe siècle nous liait plus fondamentalement que nos années de lycée passées à fatiguer les mêmes professeurs. Par "le XVIIIe siècle", j’entends : une ferveur émue, un enthousiasme, un élan de nos âmes vers ce que la vie peut comporter de vibrant, aussitôt que l’on s’en donne la possibilité. Un amour du jeu, une passion de la griserie, un attachement à la volupté. Tous trois, bien qu’à des titres divers et selon des modalités très variables, nous aimions provoquer ce qu’Achille nommait des étincelles, Zoé des papillons, et que pour ma part je me contentais de savourer sans y appliquer aucune appellation. »

Paul est architecte, Achille un jeune rentier et Zoé une étudiante en lettres qui aime poser nue pour des artistes. Soudés par une amitié indéfectible depuis le lycée, ils sont animés d’une fascination commune pour des jeux libertins qui ne vont pas être sans danger pour eux. Un court roman tout à la fois sensuel et élégant par un des auteurs belges les plus talentueux de sa génération.


Mes parcours de lecture :

La première fois que j’ai vu ce livre, c’est surtout la magnifique image sur le bandeau qui a accroché mon regard, bien plus que le titre, un tantinet trop mièvre et annonciateur à première vue selon moi. Traditionnellement, est ensuite venu le tour de la quatrième de couverture. Comme certains le savent déjà, je suis une passionnée du 18e siècle littéraire, et tout particulièrement de la littérature libertine. Cet extrait et ce résumé suspensif ne pouvaient donc que susciter mon intérêt : un « esprit 18e siècle », des jeux libertins, sensualité et élégance… Bref, tous les éléments susceptibles de me plaire étaient réunis, mais c’est justement là que se situait le problème : en prenant le risque de lire ce roman, je savais jouer à pile ou face, à coup de cœur ou de gueule. Et en effet, il n’y a pas eu de demi-mesures : j’ai adoré ce roman !

Je me souviens avoir été assez déroutée, à la première lecture, par le début du livre : le narrateur, plutôt pantouflard et enclin aux digressions (mode de narration que j’ai en horreur la plupart du temps), ne correspondait pas du tout à ce que semblait annoncer la quatrième de couverture. Heureusement, un retour dans le passé, autrement plus sulfureux, des trois amis intervient rapidement et se met en place une intrigue absolument passionnante. De jeu en jeu, je me suis laissé entraîner dans ces aventures et surprendre par les retournements de situation. La fin, comme l’annonce le titre, se termine bien et m’a semblé fort belle, absolument pas mièvre comme je le craignais, ou en tout cas très bien amenée.

Tel est le très bon souvenir que j’avais gardé de cet ouvrage de Xavier Deutsch. Me rappelant plutôt bien l’histoire et son déroulement général, j’ai été davantage attentive à l’écriture, à la construction du roman et aux petits détails lors de cette relecture. C’est ainsi que j’ai été encore une fois surprise – et des plus agréablement ! – par ce roman : l’esprit du 18e siècle libertin imprègne véritablement celui-ci, dans ses moindres détails. Tout d’abord, le caractère aristocratique du libertinage est respecté : ces jeux ne sont exercés par les premiers venus, mais par de riches nobles ou rentiers oisifs. On pourrait penser que Zoé, par son extraction modeste, contredit cet élitisme, mais, telle une courtisane, elle a su entrer dans ce milieu fermé et en assimiler les codes, par l’intermédiaire des artistes et des photographes qu’elle a fréquentés. Quant au narrateur, bien qu’il fasse partie de cette bande d’amis et partage leur passion du 18e siècle, il semble en retrait de ces jeux sensuels et leur en préférer d’autres, plus érudits et intellectuels, tel un philosophe des Lumières. Ensuite, la ligne de conduite de ces trois libertins contemporains est, selon moi, assez fidèle à l’esprit de l’époque : « Nous explorions des possibilités nouvelles en gardant pour ligne les caractères de la volupté, de la délicatesse, de la lenteur et du secret. » [p. 35] Enfin, les manigances des différents personnages, plus ou moins cruelles pour les non-initiés, correspondent tout à fait à celles décrites dans les romans libertins : la Marquise de Merteuil et le vicomte de Valmont, pour ne citer qu’eux, auraient très bien pu avoir une idée semblable à celle des amis de Sigrid, un jour d’ennui. Xavier Deutsch a donc réussi haut la main le pari – qui n’était clairement pas gagné d’avance, puisque je suis en général assez hostile à ce genre d’adaptation – d’appliquer l’esprit du 18e siècle à notre époque contemporaine, de manière subtile et magistrale, et de me convaincre !

Que ceux qui connaissent moins cette période et/ou ne se passionnent pas pour ces analyses littéraires se rassurent néanmoins, ce roman ne nécessite pas une grande érudition pour être lu et apprécié. Comme je l’ai dit ci-dessus, de digression en digression, les jeux s’enchaînent, ainsi que les retournements de situation, et l’on arrive (trop) rapidement à la fin qui, tout comme le narrateur, m’a fait « rire de bon cœur comme si j’avais huit ans. » [p. 173]

En conclusion, un roman absolument passionnant que je conseille à tous !


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Cet article est également publié sur le blog Passion Bouquins.

Une année : 2010

2 commentaires:

  1. J'ai beaucoup aimé en ce qui me concerne.

    Jolie écriture assez ouvragée, et un esprit facétieux

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  2. noté ! tu en parles très bien en plus ! le sujet semble prometteur et si l'écriture est belle.... bonne journée

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