La ville est proche de la zone des combats. Pourtant on y vit tranquille. Sur les berges du fleuve, par beau temps, on se couche. D’immenses peupliers font de l’ombre, ils bruissent sur le fond sonore d’une circulation permanente, voitures, camions. L’eau, on ne l’entend plus. [La Barbière, p. 9]
Dans ce cadre urbain et étrangement calme en ce temps de
guerre, Mira travaille chez la Barbière, une femme qui rase aussi bien les
barbes que les yeux des volontaires, à donner en offrande au dieu guerrier,
abrité dans un bâtiment voisin. Sous une première apparence réaliste, se
déploie donc un univers fantastique et irréel, relevant presque de la
science-fiction.
L’île est seule sous le ciel. À des milles à la ronde, pas un lieu habité. Quelques rochers éparpillés sur la mer étincellent à tribord du ferry qui transporte les touristes impatients et les îliens de retour du continent, des achats plein le coffre de leur voiture ou serrés dans de grands sacs à dos. [L’île, p. 63]
Au terme de cette première double aventure (double par les
deux hommes qui la partagent et par les deux sens du terme à comprendre :
aussi bien une aventure sensuelle qu’une aventure romanesque), Mira quitte la
ville pour une île perdue au milieu de la mer, où elle parviendra tant bien que
mal à se faire accepter des autochtones et engager par l’un d’eux.
L’atmosphère, marquée aussi bien par le climat marin que par l’âpreté des
paysages, se teinte là aussi de fantastique, mais de façon plus légère, par
petites touches ou par la fantaisie de quelques personnages.
C’est une petite station, une rue unique, quelques commerces de location de skis, qui proposent des vêtements d’hiver régulièrement soldés, anoraks à capuchon ourlé de fourrure, fuseaux, gants et bonnets. La vallée à cet endroit est encaissée, une vallée secondaire où coule un ruisseau qui joue au torrent par places. [Le futur, p. 103]
Dans la troisième partie, le lieu change à nouveau
fortement : de la mer, Mira se rend dans les montagnes, espérant là aussi
se trouver parmi cette petite colonie villageoise, pourtant peu favorable aux
étrangers.

Dans ce roman réalistico-fantaisiste et érotique, Caroline
Lamarche parvient à mêler les univers, l’étrange, l’inquiétant et le réalisme
noir, tout en traitant avec justesse de plusieurs thèmes (la construction de
soi et son identité, le désir et l’amour, la représentation de l’érotisme dans
la société, la guerre, la fraternité et le deuil, entre autres), sans jamais
s’y perdre et en faire trop. Un tour de force littéraire élégamment réussi.
[Caroline Lamarche, Mira,
Bruxelles, éd. Les Impressions Nouvelles, coll. Traverses, 2013]
Note : la
première partie du roman, La Barbière,
est parue aux Impressions Nouvelles en 2007 sous ce titre, accompagnée
d’illustrations de Charlotte Mollet.
Dans la même collection :
- Le nœud coulant, Nils Trede
- Eros en son absence, Sandrine Willems
Surprenante la couverture! ;)
RépondreSupprimerA l'image du roman ! ;)
Supprimerde fait la couverture est explicite
RépondreSupprimerMais alors tu l'as aimé à la hauteur de tes espérances ? bisous ;)
RépondreSupprimerC'est un peu difficile à dire. J'ai modifié mes espérances et attentes en cours de roman, après une première partie déstabilisante, que je n'ai pas vraiment appréciée, au contraire de la seconde qui m'a beaucoup plu. Finalement, je reste surtout sur la surprise suscitée et sur une admiration pour le final, qui vient lier tous les fils disparates ; quant à une appréciation, j'ai plus de mal à en fixer vraiment une.
SupprimerJe ne suis certainement pas celle qui aura le mieux parlé de ce roman (qu'est-ce que j'ai eu du mal !), mais j'espère avoir contribué à le faire découvrir, car il le mérite (tout en se méritant et en nécessitant une certaine ouverture d'esprit et littéraire).
Bisous.
(... ou l'art d'esquiver une question pourtant directe ^^)