Dévoration suivi de Nuit blanche, André Sempoux



Quand j’arrivais ici pour ma semaine rituelle, le roux fané de la bruyère éclaboussait les pentes violettes jusqu’aux prairies du bord de mer. Deux mois plus tôt, avec plus de lumière et moins de nuances dans les couleurs, rien ne me paraît vraiment différent. [Dévoration] / Un tour en ville vous fera du bien, aviez-vous dit. Mais n’allez pas « là-bas », il est encore trop tôt. Malgré la grisaille de la journée, j’avais cligné les yeux ; ils prenaient comme des poignées de poussière les premiers souffles du dehors. [Nuit blanche]

Dans ces deux nouvelles, André Sempoux explore le thème de la mémoire et du resurgissement du passé. Dans la seconde, un homme revient sur les lieux de son accident, malgré les mises en garde qui lui ont été adressées : pris malgré lui dans le mouvement de l’Histoire, il s’accroche à un ultime espoir. Dans le premier texte, sous forme épistolaire, le poids de l’Histoire s’incarne dans la figure d’un père tyrannique, le « dévoreur », qui aura tordu toute la vie de son fils incapable de s’en affranchir. Comme pour refléter ces mensonges ou ces silences, le mystère est très présent pour le lecteur : les nouvelles débutent à la fin de l’histoire, qui s’éclaire partiellement par les souvenirs invoqués ensuite. Ceux-ci m’ont paru confus et peu cohérents dans Dévoration : tout en y voyant la marque du « dévoreur », j’ai eu du mal à comprendre le fil conducteur du récit et de cette vie. C’est l’une des raisons pour lesquelles j’ai lu plusieurs fois ce texte, en ayant beaucoup de mal à m’y attacher et à le suivre. Cela m’a d’autant plus déçue qu’André Sempoux déploie une très belle plume, très visuelle, parvenant à évoquer des lieux en quelques mots poétiques. Il m’a manqué l’empathie et l’attention envers ces êtres trop effacés.

[André Sempoux, Dévoration suivi de Nuit blanche, Avin, éd. Luce Wilquin, coll. Luciole, 2013]

* Mois de la nouvelle *
 * A la découverte des éditions Luce Wilquin *
* Littérature francophone d'ailleurs : Belgique *
* En toutes lettres *

Du même auteur :

6 commentaires:

  1. moyen donc mais une lecture francophone à rajouter (je n'ai encore rien lu des éditions Luce Wilquin !!!)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Moyen pour moi, oui...
      Et le challenge arrive bientôt à échéance ! ;)

      Supprimer
    2. Tu as eu de la persévérance en lisant plusieurs fois le texte. Dommage que ton avis soit mitigé car j'aime bien le genre de la nouvelle.

      Supprimer
    3. Je n'aime pas avoir l'impression de ne pas comprendre ou de passer à côté de ce que je lis, donc je m'entête parfois, comme cette fois. Je suis d'ailleurs persuadée que ces textes pourraient plaire à d'autres lecteurs, c'est à moi qu'elles n'ont pas convenu par leur mystère.

      Supprimer
  2. Ton avis me laisse un peu sur ma faim car je n'aime pas trop ne pas arriver à décider si tel livre pourrait me plaire (quitte à me tromper), or c'est le cas ici (et j'ai lu ton avis plusieurs fois ;).
    J'avoue qu'avec les nouvelles je n'insiste pas trop si je reste en dehors (deux lectures max). Le texte est bref alors si on n'a pas compris, aucun développement pourra nous aider à trouver un sens qui nous échappe. A mettre de côté et relire dans X mois/années ?

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Désolée :/ J'ai moi-même eu du mal à savoir comment évoquer ces nouvelles, l'une étant tellement courte que je ne peux rien dire sans tout révéler et l'autre m'ayant laissé complètement à côté du chemin. Je peux juste ajouter que ça parle de la guerre en arrière-plan, des échos de l'après-guerre.
      J'ai insisté parce que je les ai lues en étant fatiguée, et j'ai cru avoir manqué un passage à cause de ça, puis le moment n'était jamais le bon. Du coup, de côté et relecture éventuelle dans quelques années pour moi (ou un petit voyage chez toi ou ailleurs vers l'inconnu quand l'occasion se présentera)

      Supprimer