Un dernier mois de lectures "à l'étranger"

Mon dernier mois estival "à l'étranger" n'a finalement pas été plus fourni que le précédent, non plus en raison d'une pause francophone (je n'en ai lu que deux), mais d'une baisse de mon rythme de lecture. Je suis néanmoins contente d'avoir su y diversifier davantage les langues et, surtout, d'avoir été globalement satisfaite de mes choix : cela explique donc qu'une seule lecture n'a pas droit à un article indépendant sur le blog (elle a en contrepartie été évoquée tout au long de ce projet).

Le libellé "Littérature de langue hongroise" a enfin été inauguré grâce à une très belle lecture, La ballade d'Iza de Magda Szabó (traduit par Tibor Tardös et revu par Chantal Philippe et Suzanne Canard). Le thème n'est pas neuf (le deuil et l'incompréhension intergénérationnelle), mais traité avec pudeur et délicatesse. Tout y est narré par petites touches et faits, qui laissent deviner au lecteur la profonde solitude de ces êtres. Ce sentiment de mise à l'écart a également marqué mes autres lectures, notamment celle du Parfum de Patrick Süskind (traduit de l'allemand par Bernard Lortholary) : j'ai beaucoup apprécié cette plongée au 18e siècle français et la façon dont l'auteur a représenté cette époque par quelques anecdotes ou descriptions bien placées. J'ai avant tout été fascinée par la figure du meurtrier, celui qui n'avait pas d'odeur et a voulu s'approprier la plus belle, celle de quelques jeunes femmes. Son inhumanité en particulier a retenu mon attention, de même que celle du Valet de Sade de Nikolaj Frobenius (traduit par Vincent Fournier). Ce valet m'a beaucoup fait penser à Jean-Baptiste Grenouille dans les premières pages du roman norvégien, jusqu'à ce que la comparaison s'estompe et que ses particularités soient plus affirmées. D'une grande laideur, incapable de ressentir la souffrance (qu'il recherchera pendant une grande partie de sa vie), il exploitera la répulsion qu'il inspire pour s'isoler et devenir un grand anatomiste. Il parviendra à s'attacher aux pas du marquis de Sade qu'il fascinera autant qu'il est lui-même fasciné par ce maître. Là encore, le charme a agi sur moi, et j'ai lu avec une admiration horrifiée les pérégrinations de ces deux personnages, ainsi que leurs tourments. Avant cette lecture sadienne, j'étais déjà revenue au divin marquis à travers son épouse, Madame de Sade perçue par Yukio Mishima (version française d’André Pieyre de Mandiargues à partir de la traduction littérale de Nobutaka Miura). Je m'attendais à un point de vue japonais, donc différent, mais suis un peu restée sur ma faim dans cette pièce de théâtre à la thèse très occidentale et répandue. Néanmoins, elle est intéressante par le décentrement de la figure du marquis, dont il est sans cesse question, sans qu'il soit jamais présent, et par le choix de l'aborder à travers un regard féminin.

Enfin, le grand projet de cet été, que je suis fière et heureuse d'avoir mené à bien grâce à et avec Flo, est la lecture de La divine comédie de Dante, partiellement en italien (les premiers chants de l'Enfer et du Purgatoire, avant un retour rapide à la traduction en vers de Jacqueline Risset). Ce fut difficile, et je n'ai pas été mécontente d'avoir gardé de bons souvenirs de mon cours consacré à l'Enfer : j'ai rapidement compris grâce à cela plusieurs références mythologiques ou symboliques, sans avoir à me référer immédiatement aux notes de la traductrice, parfois trop sommaires à mon goût. L'ascension du Purgatoire m'a ensuite intéressée par son "architecture" et la morale de Dante. Le Paradis en revanche m'a beaucoup ennuyée et perdue, en raison de mon manque de références théologiques. Les notes de Jacqueline Risset me sont alors devenues indispensables pour comprendre au moins de façon littérale les paroles métaphoriques de Béatrice et des bien-heureux. Une lecture critique/théorique s'avère donc indispensable pour toute personne souhaitant ne pas en rester à une lecture littérale, en ayant le sentiment de passer à côté des autres significations.

Au terme de ce projet estival, deux impressions personnelles se voient confirmées. La première est que je me lasse des projets et des contraintes sur mon blog* ; je ressens de plus en plus l'envie de choisir librement mes lectures, sans me restreindre à une sélection. La seconde est que je préfère de loin les œuvres francophones : sans remettre en cause le travail des traducteurs, certainement réussi (la traduction du Valet de Sade par Vincent Fournier m'a par exemple ce mois-ci particulièrement plu : j'ai eu le sentiment d'y retrouver un style marqué et une narration variée), j'ai l'impression de passer à côté du style des auteurs. Je ne parviens jamais à savoir si la fadeur parfois ressentie est due à la traduction ou à une fidélité au texte original, qui m'aurait lui-même paru fade. Au-delà de l'aspect thématique plus ou moins satisfaisant, le style me manque trop souvent.

* Cela ne m'empêchera pas pour autant de participer avec plaisir au mois de la nouvelle organisé par Flo en octobre : il y aura peut-être une irlandaise et certainement beaucoup de belges chez moi.

11 commentaires:

  1. Réponses
    1. Oui, tu as bien lu et deviné : une certaine irlandaise bien connue de toi et Flo ;)

      Supprimer
  2. Réponses
    1. Merci ! Tiens, ça te dirait à toi aussi de participer au mois de la nouvelle ? (rien de bien contraignant, c'est ce que j'y apprécie, entre autres détails)

      Supprimer
  3. Moi j'ai Dante dans la pléiade. Pas de danger de ne pas avoir suffisamment de notes. :-)
    J'ai les mêmes impressions lorsque je lis des traductions françaises d'auteurs étrangers. C'est pourquoi j'essaye de plus en plus de lire en VO, au moins pour les ouvrages d'auteurs anglophones.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Mon anglais laisse à désirer, et je n'ose pas encore me lancer, même si on me l'a déjà proposé plusieurs fois. J'essaie de me rattraper avec l'italien (d'où mon inscription à ton challenge, que je vais tenter de réussir d'ici fin octobre).

      Supprimer
    2. Moi je suis complètement dans les choux pour mon challenge!

      Supprimer
  4. Je te rejoins tout à fait en ce qui concerne les contraintes et autres challenges. Cette année, mis à part deux challenges-plaisir, tous les autres ont été source de stress pour moi. Je les termine malgré tout mais j'ai décidé que 2014 serait dédiée à ma PAL et que seule mes envies guideront mes lectures.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. J'avais aussi pris cette bonne résolution, mais j'ai encore craqué pour un nouveau challenge... Le fait qu'il soit illimité a participé au fait que j'ai cédé à cette envie : j'ai remarqué qu'un des challenges qui ne m'est jamais apparu comme tel est illimité, et sans catégorie ou objectif à atteindre. Je pense me diriger davantage vers ce type de formule à l'avenir.
      J'espère que le challenge Luce Wilquin faisait partie de ces challenges-plaisir et n'a pas été source de stress... (si ça le fut, ne t'en fais pas pour le dernier article, qu'importe qu'il soit dans le récap' ou non, le principal est que tu l'aies aimé)

      Supprimer
    2. Rassures-toi le challenge Luce Wilquin a fait partie de mes deux préférés cette année ;-) Ma critique du dernier livre arrivera en temps et en heures pour le dernier récap!

      Supprimer
    3. Me voilà rassurée ! Je suis contente qu'il t'ait tant plu et que tu aies pris plaisir à y participer. :)

      Supprimer