La querelle des livres. Petit essai sur le livre à l'âge numérique, Olivier Larizza



Après celle du théâtre, celle du roman et bien d’autres querelles des anciens et des modernes, nous vivons actuellement celle des livres : papier vs numérique. Si l’on en croit les évolutions précédentes concernant ce support (rouleau vs codex, manuscrit vs imprimé), la modernité devrait vaincre une fois encore, au terme d’une plus ou moins longue période de transition. Néanmoins, Olivier Larizza réanalyse cette évolution annoncée, en reprenant les arguments technologiques avancés et en y ajoutant une dimension fantasmatique souvent oubliée dans ce débat, au moment où il a commencé à rédiger cet essai en 2011. Sa conclusion ne donne pas de réponse à l’avenir du livre, mais s’oriente vers une question subsidiaire intéressante : le lecteur n’a-t-il pas lui-même déjà franchi une étape décisive dans l’ère du numérique, qu’il se soit tourné vers l’e-book ou non ?

Avant d’en arriver là, Olivier Larizza étudie les forces et faiblesses de chaque « combattant » et cherche à savoir quels avantages nous aurions à passer au numérique. Bien qu’il ne prenne jamais parti explicitement, il semble peu convaincu par ce que propose l’ère numérique : la liseuse qui connaît le plus de succès, le Kindle d’Amazon, ne tient pas ses promesses auprès des utilisateurs (lenteur, pannes fréquentes, autonomie bien moindre qu’annoncé, prix élevé de la machine, ainsi que des e-books, entre autres), et la lecture sur écran plutôt que sur papier a des effets nuisibles sur la concentration et le développement des enfants. Le web incite en effet au survol, à la distraction et à l’éparpillement d’un lien à l’autre, tandis que le papier apaise, facilite une lecture en profondeur, de façon continue. Ce bilan catastrophique ne suffit cependant pas à expliquer la réticence d’un grand nombre à abandonner le livre papier, considéré comme une forme parfaite pour la lecture : interviennent de nombreux fantasmes liés à cet objet (parfait, durable, sacralisé, lié à une certaine idée de l’écrivain et de la littérature), qui s’accommodent mal du nouveau support proposé, si immatériel qu’il n’autorise pas le dépôt de quelques traces affectives sur lesquelles revenir. En raison de ce « désir du livre », l’auteur estime qu’une cohabitation entre ces deux formes de « livres » devrait persister à l’avenir, selon des modalités encore à déterminer.

Après m’avoir effrayée, cet ouvrage m’a globalement déçue : excepté les faits scientifiques que j’ignorais, j’ai eu le sentiment de ne rien apprendre et que les arguments n’apportaient rien de nouveau au débat. Les fantasmes explicités ici sont peut-être si bien ancrés en nous que leur énonciation paraît naturelle… Tellement naturelle, que d’autres lecteurs lambdas expliquent leur répugnance face à la lecture électronique par ces mêmes arguments rebattus (toucher, manipulation, odeur, traces laissées). La conclusion, en revanche, m’a beaucoup intéressée et aurait selon moi mérité un peu plus que cinq pages dans un « petit  essai », qui a enfermé l’auteur dans la concision et la synthèse.

[Olivier Larizza, La querelle des livres. Petit essai sur le livre à l’âge numérique, Paris, Buchet-Chastel, 2012]

8 commentaires:

  1. En même temps, est-il possible de dire quelque chose de nouveau sur ce sujet vastement débattu?

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    1. Sans doute que non, mais je n'ai pas l'impression d'en avoir fait le tour, d'où mon envie de m'informer à ce sujet. J'ai à peine suivi les débats qui m'ont vite agacée (soit les intervenants étaient dans la défense, soit dans l'attaque, et je n'écoute pas ce genre de discussion pour me sentir attaquée sous prétexte que je suis a priori partisane de la position inverse). Peut-être que j'attends trop et que j'ai déjà entendu tout ce qu'il y avait à dire à ce sujet. Je verrai avec un autre ouvrage, peut-être un de ceux de François Bon (auquel je reste réfractaire, pour son attitude dans les débats). Si j'ai encore cette impression d'ennui, j'en resterai à des ouvrages sur l'histoire du livre, que j'espère ne pas avoir épuisée non plus.

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  2. Dommage, je te sens déçue. Ce livre m'intéressait a priori, mais maintenant...
    Tu as lu Apologie du livre de Darton? Sans doute n'est-il pas 100% d'actualité, mais tu y trouveras des réflexions valables.

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    1. Assez déçue, mais peut-être t'intéressera-t-il plus que moi. J'aurais aimé que la conclusion, très intéressante, soit plus approfondie, au lieu d'expliciter des ressentis trop connus.
      Apologie du livre est dans ma PAL ;) Je crains qu'il ne me fasse bien peur aussi quant à l'avenir, mais je le lirai. Merci du conseil !

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  3. C'est vraiment dommage! Ça avait l'air bien parti et en commençant la lecture de ton billet je me disais que j'avais très envie de le lire. Là, j'hésite...

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    1. Dommage, oui... Comme je l'ai dit à Keisha, mon impression ne sera peut-être pas la tienne. Ton avis m'intéresserait si tu le lis.

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  4. Je prends enfin le temps du commentaire. Peu constructif ceci dit pour écrire que si cet ouvrage ne t'avait pas déçu quant à la pertinence des arguments, j'en aurais été curieuse, faisant partie de l’engeance qui fantasme encore et toujours sur l'objet livre... ( ceci étant peut-être dû au fait que mon activité m'impose déjà beaucoup l'écran )

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    1. Si je trouve un titre plus convaincant sur le sujet, je te le transmettrai alors (je compte encore me perdre dans ces rayonnages-là, malgré la bergère que tu m'as préparée ;)) Je ne désespère pas de m'informer encore sur le sujet et de réussir à m'y investir un jour...

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