Bien que je n’aie pas tout à fait été convaincue, ni même
marquée par la lecture de cette novella (roman selon l’éditeur), je tenais à la
présenter en raison de son concept de création qui me semble, quant à lui, tout
à fait prometteur : les éditions Memory ont invité l’écrivaine Amandine
Fairon à collaborer avec le cuisinier Olivier Bauche, créateur du restaurant La Gloriette, afin d’écrire un roman se
déroulant dans ce lieu et intégrant des recettes (insérées dans le roman, ainsi
que sous forme de fiches détachées, plus pratiques en cuisine). Tout en surfant
sur le succès des romans culinaires et gourmands, le concept s’en distingue par
la collaboration qu’il instaure et la découverte mutuelle proposée aux deux
auteurs ; c’est cette rencontre et cet entremêlement de deux « disciplines »,
la cuisine et l’écriture, qui m’a attirée et beaucoup plu.
Ainsi que je l’annonçais, le texte en lui-même m’a moins
séduite que l’esprit du projet. Plusieurs thèmes narratifs composent le récit –
la cuisine d’Olivier Bauche dans le cadre d’un cours de cuisine et lors d’une
soirée dans son restaurant, un jeu de séduction amoureuse, et le passé
difficile de Vika, la narratrice originaire d’un pays de l’ex-URSS –, mais ils
s’entremêlent difficilement sur un si petit nombre de pages. À vouloir évoquer
trop de choses à la fois, Amandine Fairon m’a donné le sentiment de ne pas
parvenir à les mener toutes jusqu’à leur aboutissement, ni à obtenir un
ensemble unifié. Le personnage de Vika ne suffit pas selon moi à créer à lui seul
une cohérence narrative : si l’idée que les saveurs l’aident à lâcher
prise et à se livrer peu à peu à son interlocuteur est bien exploitée, l’insertion
des lettres à sa grand-mère, qui en apprennent davantage sur son passé au
lecteur, m’a paru en revanche moins réussie. Aussi touchantes qu’elles puissent
être (on y lit de très beaux passages sur la cuisine ou sur les idéaux, par
exemple), elles s’intercalent dans le texte, comme les recettes de cuisine,
sans que leur présence ne soit justifiée avant une petite chute finale. En ce
qui concerne l’histoire d’amour naissante et un peu chaotique, elle apparaît tantôt
au premier plan, tantôt au second, dans une alternance parfois déconcertante,
tant pour le personnage masculin en face de Vika que pour le lecteur.
Ce manque d’aboutissement me désole d’autant plus qu’Amandine
Fairon a une plume prometteuse et a parsemé son texte de forts jolis passages,
en particulier lors de l’évocation des saveurs culinaires. Elle ne se contente
pas d’une description conventionnelle sur les couleurs ou les goûts élémentaires
du plat, mais fait également appel aux souvenirs de son héroïne ou à des
paysages pour décrire la sensation laissée par telle ou telle saveur. Cela
permet au lecteur d’imaginer lui-même le goût, grâce à ces métaphores bien
maîtrisées.
[Amandine Fairon et Olivier Bauche, Prestidigi’saveurs, Tenneville, éditions Memory, 2013]
* Littérature francophone d'ailleurs : Belgique *
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