La petite sirène, Myriam Mallié et Alexandra Duprez



Je ne sais comment commencer à parler de ce petit livre, ni comment le qualifier : à mi-chemin entre la nouvelle, le conte, l’analyse littéraire, l’interprétation et l’essai, il ne se laisse pas saisir aisément et glisse entre les genres, comme l’eau sur la peau ou les doigts sur des écailles de poisson (ou de sirène). Voici ce que Myriam Mallié en dit, après avoir résumé le conte d’Andersen : 

Ce conte a hanté, et enchanté, mon enfance. Mais le personnage de la sorcière qui arrache la langue de la petite Sirène en échange de jambes de femme, m’a autant fascinée que terrifiée. Plus tard, je me suis dit que ce conte pouvait être entendu autrement que comme une histoire d’amour ratée, fondée sur une épouvantable méprise. Pour le comprendre, il me fallait faire dialoguer la petite Sirène et sa tortionnaire, que j’ai appelée la Mutilante. Méditer sur ma propre histoire, et, en elle, sur la force – et les lois – du désir et du temps. Sur la transmission, le lien, la nécessité de certaines séparations… et tant d’autre choses essentielles, comme savent les contes. [pp. 10-11] 

Ce dialogue prend la forme d’une lettre de la Mutilante à la petite Sirène, autrement dit d’un monologue narrant le parcours de la seconde, interprété par la première. Cette interprétation m’a semblé extrêmement riche, au point que j’ai relu le texte le lendemain de ma première lecture et ai encore le sentiment d’avoir manqué une partie du sens. Il y est question de l’adolescence, ce passage à l’âge adulte, qui induit une séparation de l’enfant et de sa mère (comme une seconde naissance) ; des premiers émois amoureux, de la passion et des tempêtes qu’elle produit, des rencontres manquées, de la peur face à la femme ; de la découverte du monde, entre euphorie et désillusion ; de l’oubli et de la mémoire, entre autres. Dans cette « lecture », la petite Sirène apparaît comme une enfant qui accepte de grandir, malgré la souffrance que cela apporte, afin d’en vivre les joies. Elle peut également être perçue comme celle qui part au loin, quitte son pays natal pour en découvrir un autre, riche de promesses, reçoit la possibilité de l’oubli et du retour, mais choisit l’avenir et la mémoire, même douloureuse. Ce sont deux interprétations, parmi d’autres, que j’ai personnellement retenues et qui m’ont marquée lors de mes lectures successives. Je ne parviens en revanche pas encore à « lire » les peintures d’Alexandra Duprez : leur esthétique n’est pas de celles qui me séduisent, elles apparaissent très simples, mais me fascinent tout de même. Je suis persuadée qu’elles véhiculent elles aussi une interprétation et/ou participent à celles que j’ai évoquées. 

En conclusion, un petit inclassable fascinant, que je relirai certainement. 

[Myriam Mallié et Alexandra Duprez, La petite Sirène, Noville-sur-Mehaigne, éd. Esperluète, 2007] 

* Littérature francophone d'ailleurs : Belgique *
* Jacques a dit : "doubles initiales" *

8 commentaires:

  1. Bon ben voilà... je crois que tu te doutes bien que je vais le noter celui-là non ? lol
    J'adore ta chronique ;)
    bisou ma Minou et belle soirée !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. J'en suis ravie ! J'aimerais vraiment le faire découvrir, notamment à toi. :)
      Bisous et belle soirée !

      Supprimer
    2. Oui ben bravo... avec ton commentaire il vient de tomber dans mon panier lol j'espère ne pas le lire trop tard quand même...
      Bisous ;)

      Supprimer
    3. J'en suis encore plus ravie :D Bisous.

      Supprimer
  2. un petit livre à découvrir donc

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Tout à fait ! Tout comme la maison d'édition dans son ensemble, leur ligne éditoriale est très intéressante.

      Supprimer
  3. Réponses
    1. Laisse-toi tenter alors. ;) Je serais curieuse de savoir ce que tu en penseras.

      Supprimer