« Je regrette que tu l’apprennes de cette façon. Je ne
suis pas ton père biologique. Je t’ai reconnue à la naissance. Mais je ne t’ai
pas conçue. » [p. 18]
C’est suite à cette révélation assez brutale que Laurence
Emmanuel, la principale narratrice du récit, va entreprendre des recherches sur
le passé de ses parents et sur un mystérieux militant gauchiste des années 70,
Guillermo Zorgen. Si le thème des secrets de famille n’est pas nouveau et me semble
peu renouvelé*, Hélène Gestern parvient tout de même à l’exploiter avec succès dans
une intrigue bien menée et très prenante. Elle y alterne les points de vue
narratifs – majoritairement la jeune femme mentionnée ci-dessus ; en fin
de chaque partie, la parole est laissée à l’un des autres personnages – avec
divers documents : lettres, articles de journaux, tracts ou poèmes. Toutes
ces variantes de l’écriture sont très bien maîtrisées par l’auteure et sont d’un
réel intérêt pour le récit, en s’y insérant harmonieusement.
Bien que cette construction narrative impeccable m’a fait lire
ce roman en une seule journée, poussée par l’envie de connaître la suite et de
vérifier mes hypothèses, ce n’est pas ce que je retiendrai avant tout de cette œuvre.
À ma grande surprise, j’ai été fascinée par la période historique déployée :
l’après-Mai 68, ère d’idéaux révolutionnaires, d’attentes utopistes envers l’avenir,
de terrorisme et de destruction du monstre-capitalisme, entre autres. Hélène
Gestern dépeint avec précision cette époque, dans sa splendeur comme dans ses
aspects les plus noirs, de même que ses personnages. Ces derniers sont
profondément humains : aucun n’est parfait ou démoniaque, tous ont leurs
blessures, leur orgueil, ont fait des erreurs ou ont eu parfois un geste
sublime. Au-delà de cette absence de manichéisme, permise par l’alternance des points
de vue narratifs et par les divergences d’avis sur Guillermo Zorgen notamment,
les personnages sont dotés d’une réelle profondeur psychologique.
[Hélène Gestern, La
part du feu, Paris, Arléa, coll. 1er mille, 2013]
* J’ai notamment repensé au Confident d’Hélène Grémillon, qui fonctionne de façon semblable
dans son déroulement et sa succession de révélations, ainsi qu’au Secret de Philippe Grimbert
* Merci beaucoup, Philisine, pour ce LV *
Un livre enrichissant alors. Pourquoi pas, je note :)
RépondreSupprimerBonne journée bises ;)
Je pense que tu as trouvé le mot juste avec "enrichissant". J'espère qu'il te plaira si tu le lis. Il paraît que le premier roman de cette auteure est très bien aussi.
SupprimerBonne journée !
Oui, je suis d'accord avec toi : Hélèn Gestern arrive nous emmener là où elle veut, et en particulier ici dans la France des années 1970. Intéressant. Bises
RépondreSupprimerEncore merci pour cette découverte d'ailleurs. Je ne pensais vraiment pas réussir à me laisser entraîner là, mais cette auteure ne manque décidément pas de talent.
SupprimerBises.