L'amour, roman, Camille Laurens



« L’amour, roman », un titre à la fois clair et énigmatique, un titre qui m’a fait envie, un titre parfait pour les challenges amoureux et Le nez dans les livres ; un titre qui m’a trompée (un roman qui s’affirme comme tel de façon explicite ne peut être que traître).  

L’amour est donc un roman, c’est-à-dire des mots, d’après Camille Laurens. C’est l’une des hypothèques avancées dans cette longue réflexion sur ce mot et sur ce sentiment : l’amour, qu’est-ce au fond que l’amour, dont on parle tant, dont on fait tant de cas et qu’on ne sait finalement comment définir ? Pour tenter de répondre à cette question, l’auteure fait appel à la littérature, et plus particulièrement à La Rochefoucauld, ainsi qu’à son histoire familiale personnelle : les femmes de sa famille, de son arrière-grand-mère à sa mère, ont-elles connu l’amour ? Comment ont-elles vécu leur rapport aux hommes ? Ces deux récits parallèles sont également entremêlés avec un troisième, dont la tendance auto-fictive m’a décontenancée au premier abord : Camille Laurens évoque sa situation amoureuse présente, entre son mari et son amant, pendant l’écriture du « roman » lu par le lecteur. Cette narration particulière me donnait le sentiment d’être dans une position de voyeuse et m’a beaucoup dérangée tout au long de ma lecture. Je n’avais aucune envie de connaître la vie de l’auteure, et certainement pas certains détails de sa vie que je qualifierais d’intime. Pour le dire aussi crûment qu’elle dans certains passages, ses ébats sexuels ne m’intéressent absolument pas. De même, je n’ai guère apprécié connaître ses pensées lorsqu’elles étaient retranscrites de façon automatique, comme on pourrait penser qu’elles se sont succédées, sans ordre ni ponctuation élaborée.  

En raison du plus grand recul pris par l’auteure et de la part de fiction qu’elle y a mêlée – car qui peut considérer connaître la vérité de ses proches et être sûr de ne pas les recréer en partie ? –, j’ai été plus sensible à l’histoire amoureuse des femmes de sa famille, surtout de son arrière-grand-mère et de sa grand-mère : l’époque étant différente, le rapport à l’amour l’était également. Au-delà de l’aspect touchant de ces vies, elles apportent également un éclairage historique intéressant. De même, le regard de La Rochefoucauld, souvent convoqué et cité, nourrit les réflexions de Camille Laurens et les enrichit. Ces passages plus théoriques m’ont beaucoup intéressée et m’ont fait m’interroger sur cette notion d’amour.  

En conclusion, après avoir réussi à m’adapter au mode narratif très éclaté (chacune des trois parties est divisée en paragraphes entremêlés aux autres, sans transition particulière), j’ai apprécié ce roman et les réflexions très intéressantes qu’il propose, bien que l’autofiction ne soit décidément pas un genre qui me séduit. 

[Camille Laurens, L’amour, roman, Paris, P.O.L., 2003.]

7 commentaires:

  1. Pouffff, pas pour moi je pense... ( l'écriture de l'amour... nous en avons parlé il y a peu... :))

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. C'est sûr que si j'avais lu le Makine avant ce livre-là, j'aurais abandonné au bout de trois pages, je pense. La comparaison n'est même pas pertinente. ;)

      Supprimer
  2. ton article est très bien fait encore une fois ;) alors par contre ce roman ne m'intéresse pas c'est certain, les ébats sexuels non merci, je n'aime pas cela dans un roman, ça casse tout je trouve.
    Bonne journée :)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci beaucoup pour ce compliment. :) Je peux apprécier ces scènes dans un roman, quand elles sont bien écrites, bien insérées et fictives. J'ai vraiment du mal avec l'autofiction, j'ai le sentiment d'être projetée dans l'intimité de l'auteur, de façon forcée.
      Bonne soirée.

      Supprimer
  3. J'avais bien aimé la fois où je l'ai lu, sans en garder un souvenir impérissable.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. A part les parties auto-fictives, j'ai trouvé ce texte plutôt intéressant, mais je l'oublie déjà aussi...

      Supprimer
  4. L'autofiction me dérange toujours un peu aussi, et comme toi je n'apprécie guère de me retrouver dans le lit des auteurs ! A voir donc !

    RépondreSupprimer