C’est une loi de la nature
que l’amour seul peut changer ; et de l’amour, en a-t-on quand on veut ?
[Lettre CXXXI des Liaisons dangereuses
de Choderlos de Laclos]
Sans qu’elle soit jamais citée dans le recueil de Bernhard Schlink, cette citation d’une lettre de la marquise de Merteuil au vicomte de Valmont m’a accompagnée tout au long de ma lecture de ces nouvelles (ou novellas, tant elles sont longues et construites comme de petits romans). Toutes traitent de l’amour, de la façon dont il naît, puis meurt, et abordent une problématique particulière, souvent liée à la (im)possibilité de ce sentiment. Dans L’infidélité, la question amoureuse semble secondaire dans l’intrigue, mais est posée explicitement : « Peux-tu aimer quelqu’un que tu n’estimes pas ? » Dans d’autres textes, la difficulté amoureuse est liée à la religion et à la nationalité (La circoncision), à une idéalisation excessive liée à l’art (La petite fille au lézard) ou au manque de communication entre les êtres (Le fils). En parallèle de ces débuts, les fins amoureuses semblent également préoccuper Bernhard Schlink qui les met en scène à plusieurs reprises. L’amour éternel n’a pas de place dans ces sept nouvelles, les personnages se demandent plutôt comment faire le deuil d’un amour (L’autre) ou s’il est possible de le faire renaître (La femme de la station-service), ainsi que les raisons qui retiennent certaines personnes ensemble (Les pois gourmands).
L’amour est le thème rassemblant ces sept textes, mais il n’est pas le seul abordé, et ce sont surtout ces autres sujets qui m’ont beaucoup intéressée, notamment dans La petite fille au lézard, L’infidélité et La circoncision. Ces trois nouvelles abordent, comme Le Liseur du même auteur, la question de la Shoah et de son héritage en Allemagne, d’un point de vue familial dans les deux premières (comment les enfants vivent-ils avec le secret des agissements de leurs parents pendant la seconde guerre mondiale ? Quel héritage reçoivent-ils ?) et plus général dans la dernière. Un chrétien allemand et une juive américaine de la troisième génération peuvent-ils considérer n’avoir plus rien à voir avec les agissements de leurs aïeux et s’aimer ? Ne peut-on « supporter » que ceux qui nous ressemblent ? Toutes ces questions sont posées explicitement par le narrateur masculin, qui relaie avec une certaine compréhension le point de vue de sa compagne, ainsi que le sien, moins consensuel et d’autant plus intéressant.
Un autre sujet abordé est celui des vies manquées : le dernier narrateur, celui qui rêve à la femme de la station-service, partage cette sensation avec le père de la nouvelle Le fils. Tous deux reviennent sur leur passé, leurs actes manqués et connaissent un bref moment de motivation qui les pousse à arrêter ce mouvement de résignation. Il n’est malheureusement pas toujours possible de revenir en arrière et de tout recommencer… Dans Les pois gourmands, un homme y parvient, sans jamais rien terminer : l’accumulation mène-t-elle à une « vie totale » et réussie ?
[Bernhard Schlink, Amours en fuite, trad. de l’allemand par Bernard Lortholary et Robert Simon, Paris, Gallimard, coll. Folio, 2002.]
Sans qu’elle soit jamais citée dans le recueil de Bernhard Schlink, cette citation d’une lettre de la marquise de Merteuil au vicomte de Valmont m’a accompagnée tout au long de ma lecture de ces nouvelles (ou novellas, tant elles sont longues et construites comme de petits romans). Toutes traitent de l’amour, de la façon dont il naît, puis meurt, et abordent une problématique particulière, souvent liée à la (im)possibilité de ce sentiment. Dans L’infidélité, la question amoureuse semble secondaire dans l’intrigue, mais est posée explicitement : « Peux-tu aimer quelqu’un que tu n’estimes pas ? » Dans d’autres textes, la difficulté amoureuse est liée à la religion et à la nationalité (La circoncision), à une idéalisation excessive liée à l’art (La petite fille au lézard) ou au manque de communication entre les êtres (Le fils). En parallèle de ces débuts, les fins amoureuses semblent également préoccuper Bernhard Schlink qui les met en scène à plusieurs reprises. L’amour éternel n’a pas de place dans ces sept nouvelles, les personnages se demandent plutôt comment faire le deuil d’un amour (L’autre) ou s’il est possible de le faire renaître (La femme de la station-service), ainsi que les raisons qui retiennent certaines personnes ensemble (Les pois gourmands).
L’amour est le thème rassemblant ces sept textes, mais il n’est pas le seul abordé, et ce sont surtout ces autres sujets qui m’ont beaucoup intéressée, notamment dans La petite fille au lézard, L’infidélité et La circoncision. Ces trois nouvelles abordent, comme Le Liseur du même auteur, la question de la Shoah et de son héritage en Allemagne, d’un point de vue familial dans les deux premières (comment les enfants vivent-ils avec le secret des agissements de leurs parents pendant la seconde guerre mondiale ? Quel héritage reçoivent-ils ?) et plus général dans la dernière. Un chrétien allemand et une juive américaine de la troisième génération peuvent-ils considérer n’avoir plus rien à voir avec les agissements de leurs aïeux et s’aimer ? Ne peut-on « supporter » que ceux qui nous ressemblent ? Toutes ces questions sont posées explicitement par le narrateur masculin, qui relaie avec une certaine compréhension le point de vue de sa compagne, ainsi que le sien, moins consensuel et d’autant plus intéressant.
Un autre sujet abordé est celui des vies manquées : le dernier narrateur, celui qui rêve à la femme de la station-service, partage cette sensation avec le père de la nouvelle Le fils. Tous deux reviennent sur leur passé, leurs actes manqués et connaissent un bref moment de motivation qui les pousse à arrêter ce mouvement de résignation. Il n’est malheureusement pas toujours possible de revenir en arrière et de tout recommencer… Dans Les pois gourmands, un homme y parvient, sans jamais rien terminer : l’accumulation mène-t-elle à une « vie totale » et réussie ?
[Bernhard Schlink, Amours en fuite, trad. de l’allemand par Bernard Lortholary et Robert Simon, Paris, Gallimard, coll. Folio, 2002.]
J'ai eu ce livre en main hier quand je suis passée en bibliothèque. À ce que je lis ici, je n'aurais pas dû le redéposer sur la table! :s
RépondreSupprimerS'il est à la bibliothèque, tu devrais pouvoir le retrouver facilement, ce n'est pas trop grave. :) Je trouve en tout cas ce recueil vraiment intéressant, bien que ce ne soit pas un coup de coeur.
SupprimerDis donc tu prépares dignement la St valentin avec toutes ces lectures amoureuses! ;-)
RépondreSupprimerEt oui ! J'ai envie de terminer en beauté le challenge de l'Irrégulière. ;) Encore une lecture amoureuse prévue après-demain !
SupprimerJ'avais apprécié Le liseur mais sans le trouver exceptionnel : quelque chose m'arrête dans la prose de Bernhard Schlink (une certain froideur du style, je pense). Je ne suis pas pressée de le lire.
RépondreSupprimerJe pense que tu retrouverais cette froideur dans ce recueil : elle ne m'a pas dérangée, mais m'empêche d'avoir un vrai coup de cœur.
SupprimerJ'aurai pu écrire le commentaire de Philisine. Curieuse sans être convaincue.
RépondreSupprimerJe dirais alors qu'il est intéressant, mais pas indispensable. ;)
SupprimerMa lecture datant d'il y a 10 ans (je viens de vérifier dans mes fichiers ;) et mon avis d'époque étant succinct, je me baserai surtout sur mes souvenirs pour écrire que j'avais été séduite par trois nouvelles ("Les pois gourmands", "La circoncision" et "L'autre") mais n'avait pas été véritablement conquise par l'ensemble.
RépondreSupprimerPour moi, Schlink est l'auteur d'une pépite : "Le liseur" ; le reste (romans, nouvelles, polars - oui, j'ai tout essayé mais pas tout lu pour autant par lassitude) est "moyen", même si je reconnais que son traitement de la guerre vue côté allemand m'a toujours intéressée.
La circoncision est la nouvelle qui m'a le plus plu et dont j'avais le souvenir le plus complet, avec La petite fille au lézard, avant ma lecture. Les pois gourmands me plaisent décidément moins par contre. L'ensemble me plaît, mais sans plus finalement.
SupprimerPour Le liseur, je ne me souviens décidément pas de ce que j'en ai pensé... Je me souvenais de l'histoire avant de voir le film, mais mon ressenti s'est envolé de ma mémoire.
Du coup, tu ne conseillerais pas ses autres textes ? Je ne sais pas du tout ce qu'il a écrit d'autre...
Je n'ai encore pas lu cet auteur. Tu fais toujours des chroniques très bien construites et intéressantes je trouve, c'est un plaisir de te lire ;) je note le nom de l'auteur mais je préfère commencer par autre chose que des nouvelles, je ne sais pas si j'aime ce format, j'ai été refroidi avec Le K de Dino Buzzati et je ne me suis pas frottée à d'autres nouvelles, ce ne sont pas mes lectures habituelles. Je vais retenter c'est certain car j'en ai dans ma PAL et je ne vais pas rester sur cette mauvaise impression...
RépondreSupprimerMerci beaucoup pour ce compliment, qui me fait extrêmement plaisir. :) Je suis en plein doute face à certaines de mes chroniques, donc tu arrives juste à temps pour me rappeler que certaines ne sont pas trop mal...
SupprimerJ'aurais tendance à faire confiance à Flo (ci-dessus) et à te conseiller Le Liseur alors. ;) C'est un roman très intéressant. Ces nouvelles-ci m'ont plu, mais ne sont pas des incontournables dans une vie de lecteur, d'après moi, donc autant que tu renoues avec le genre avec un autre auteur. Je suis actuellement en train de lire Tous nos petits morceaux d'Emmanuelle Urien et te conseillerais plutôt cette auteure-là, par exemple.
C'est sincère ! :) en plus tu ne fais pas de faute et moi je vois que je n'arrête pas d'en faire... le nez sur l'ordi je ne les vois pas et ma logique n'est pas la même que lorsque j'écris, alors je fais des fautes vraiment énormes...:(
SupprimerJe viens de regarder l'auteure dont tu parles. Tu as lu "Court, noir, sans sucre" ? ça m'a l'air pas mal du tout du tout !!! :D
D'autant plus merci. Pour les fautes, en tant que romaniste (censée être une spécialiste de la langue française), c'est un peu mon obsession, mais rassure-toi, il m'arrive aussi d'en laisser s'échapper. ;)
SupprimerJe n'ai pas lu ce recueil-là, mais c'est prévu, c'est certain ! Je commence seulement à découvrir cette auteure, et j'ai le sentiment qu'elle a toutes les cartes en main pour me séduire. Je suis sous le charme, d'où mon conseil. ;)
Bonjour :) comme tu as lu ce livre tu pourrai peut être m'aider. Je suis au lycée franco allemand et j'ai du lire des passages de la petite fille au lézard en allemand. Malheureusement je n'ai pas tout compris et je me fais interroger dessus demain... Je cherche des résumés sur l'histoire et je suis tombée sur ton blog :) pourrai-tu, si tu le veux bien, me raconter en gros cette histoire? Je connais en fros les faits mais pas tous....
RépondreSupprimerBonjour. Merci de cette confiance en ma mémoire, mais ma lecture date d'il y a plus d'un an, et je ne pense pas avoir de souvenirs plus précis que ceux que tu as pu tirer de ta propre lecture. Peut-être trouveras-tu des résumés plus complets que mon article sur Babelio.
SupprimerOui ce serait bien :) seulement j'ai éplucher tous les sites web qui pourrait en parler mais je n'en n'ai malheureusement pas trouvé qui parle de la petite fille au lézard... J'ai pu télecharger un extrait mais il n'est pas assez long pour m'aider...
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