Le classique du mois - Ecris-moi si tu m'aimes encore... Une correspondance amoureuse du XVIIIe siècle




Pour le classique de ce mois d’octobre, consacré à la littérature épistolaire chez Tête de Litote (par le biais de son Cercle de lecture), j’ai choisi une correspondance amoureuse qui m’avait fait très envie lors de sa parution. Rédigée au XVIIIe siècle, accompagnée d’une mèche de cheveux tressée à un ruban et retrouvée par Isabelle Foucher aux archives du Châtelet de Paris, elle a été décodée et éditée par cette archiviste après plusieurs siècles d’oubli dans un carton de documents divers.


Le classique d’octobre 2012
Ecris-moi si tu m’aimes encore…
Une correspondance amoureuse du XVIIIe siècle

La correspondance présentée est partielle et sans doute désordonnée : seules s’y trouvent les lettres de R., la jeune fille, à son cousin Canut. L’absence de date empêche une classification chronologique, et Isabelle Foucher a choisi de les présenter dans l’ordre où elle les a trouvées, sans chercher à créer un ordre forcément subjectif pour reconstituer le récit de cet amour. C’est de ce sentiment et de ses aléas qu’il est question tout au long de ces missives : la passion de ces deux amants est gardée secrète, par crainte d’un refus familial, et mise à mal par l’alcoolisme de Canut. Comme l’indique Isabelle Foucher, ce secret était autant une source de peur que de plaisir : le mystère et les échanges de regards ont eux aussi leurs charmes… Les mots ne peuvent quant à eux que s’exprimer à l’écrit, dans ces lettres tour à tour enflammées, froides ou inquiètes.

Je ne sais pas très bien ce que j’attendais de cette correspondance, mais j’ai malheureusement été assez déçue, au moins au début : j’ai mis du temps à m’accoutumer à ce style de l’urgence, passant d’un sujet à l’autre sans transition parfois, régulièrement coupé par l’arrivée d’un étranger, et à cette écriture assez éloignée de celle si soignée des romans. De plus, comme souvent dans ce type de littérature, les lettres sont peu contextualisées, ce qui en rend la lecture parfois fastidieuse aux lecteurs-voyeurs, à qui elle n’est pas destinée. Petit à petit, j’ai tout de même repéré quelques traits propres à la pensée du 18e siècle et ai été de plus en plus touchée par l’histoire de ces deux amants. La force de caractère de R., la rédactrice, transparaît dans son écriture et son expression, ainsi que sa soif de liberté. Elle n’a rien d’une amoureuse naïve, même lorsqu’elle se laisse emporter par sa passion.

Davantage que les lettres elles-mêmes, le travail critique d’Isabelle Foucher et la lecture d’Arlette Farge dans la préface m’ont beaucoup intéressée. La première n’évoque dans son « prologue » tout d’abord que l’édition de la correspondance, la façon dont elle l’a trouvée dans les archives du Châtelet et le travail qu’elle a accompli pour la livrer ainsi au public. Elle laisse ensuite la parole à R., avant de la reprendre pour répondre de son mieux aux interrogations du lecteur : elle fait alors part de ses recherches sur l’identité des amants, leur vie et l’histoire de cet amour d’après les indices laissés par la correspondance. C’est à ce moment-là que le manque de contextualisation que j’avais souvent ressenti a été comblé : pour cette raison, je pense que j’aurais préféré connaître ces détails avant de lire les lettres plutôt qu’après.


[Isabelle Foucher (éd.), Ecris-moi si tu m’aimes encore… Une correspondance amoureuse du XVIIIe siècle, Montrouge, Bayard, 2010]

* Projet non-fiction *

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2 commentaires:

  1. Est-ce que l'absence de chronologie n'est pas perturbante?

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    1. Si, assez : comme le dit Isabelle Foucher, elle n'a pas trié les lettres et il est probable qu'elles soient en désordre (reprises par la jeune fille, puis rendues à son amant, certains feuillets semblent aussi s'être perdus). L'absence de chronologie laisse donc un doute sur le déroulement de l'histoire : est-ce que ça s'est vraiment passé dans cet ordre-là et est-ce que ça s'est passé rapidement ou dans un temps plus long ? Isabelle Foucher essaie de situer la correspondance dans l'épilogue, mais le doute reste quand même.
      D'un autre côté, on peut aussi lire ces lettres pour ce qu'elles sont (des témoignages d'amour), sans chercher à les situer ou les ordonner, mais je n'y ai pas réussi personnellement.
      Je pense donc que ça dépend du point de vue adopté pour la lecture, mais ça reste en effet assez perturbant de ne pas pouvoir situer ce "récit".

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