Les Petits éloges
de Folio constituent une collection que j'aime beaucoup, notamment pour sa
diversité. En effet, les auteurs sont libres de choisir le sujet de leur éloge,
ainsi que la façon de le traiter : certains choisissent l'essai, d'autres la
nouvelle, les aphorismes, le témoignage ou encore le théâtre.
Si la relecture peut occasionner de belles surprises, elle
peut aussi susciter de cruelles déconvenues. J’en ai fait l’expérience avec
cette série de petits éloges parus en septembre 2009 : j’avais conservé
une impression favorable de trois d’entre eux (le sujet du Petit éloge du catholicisme m’intéressait beaucoup moins), mais ai
été déçue par les textes de Franz Bartelt et d’Eva Almassy. Le Petit éloge de la rupture est le seul à
être demeuré un coup de cœur.
Petit éloge de la vie de tous les jours
Franz Bartelt
(relu le 12 juin 2012)
Libellés : nouvelles, témoignage [classification
un peu artificielle, à défaut de trouver mieux], intertextualité
J’avais gardé un excellent souvenir de ce petit éloge, mais
je n’ai pas retrouvé le charme de ma première lecture cette fois-ci : sans
doute n’était-ce pas un bon moment pour ce type de récit. Franz Bartelt a en
effet choisi une forme narrative qui correspond parfaitement au sujet
choisi : des petites anecdotes de la vie quotidienne. Celles-ci se
déroulent dans sa région, dans les Ardennes près de la frontière belge, un lieu
peu touristique comme il l’affirme lui-même dans le premier récit. S’égrènent
alors des épisodes peu palpitants, narrés dans un style simple et assez
classique, et construits autour de petits faits, comme une conversation
entendue entre deux étrangers, une réflexion sur les valises, le dimanche, une
dispute entre amis, entre autres. Certains textes sont amusants, notamment
grâce aux jeux sur les sonorités présents dans quelques-uns, et peuvent faire
sourire si l’on apprécie cette ambiance littéraire, ce qui n’était pas mon cas
actuellement malheureusement. J’ai néanmoins apprécié les titres de tous ces
petits récits : tous contiennent le mot « jour » et représentent
parfaitement le texte qui suit, tout en gardant une part de mystère. Pour cette
raison et celles énoncées ci-dessus, ce petit éloge est d’après moi l’un des
mieux construits de la collection et une véritable réussite du projet choisi.
Un recueil à feuilleter au hasard et en fonction de ses
envies, un jour comme les autres.
Un passage que
j’avais souligné lors de ma première lecture :
Le mieux que nous ayons à faire c’est de rêver d’un monde meilleur. Le malheur de l’homme, c’est d’avoir trop souvent rêvé d’un monde parfait.
[BARTELT Franz, Petit
éloge de la vie de tous les jours, Paris, Gallimard, coll. Folio, 2009, p. 28..]
Du même auteur :
*
Petit éloge de la rupture
Brina Svit
(relu le 06 juillet 2012)
Libellés : coup de cœur, essai, nouvelles, témoignage.
Je me souviens de mes appréhensions avant de lire ce petit éloge de la rupture : le
sujet m’étonnait, surtout dans le cadre d’un éloge, moi qui aurais plutôt
tendance à craindre ce phénomène. Finalement, j’ai beaucoup aimé ce texte, lors
de ma première découverte comme lors de cette relecture.
Brina Svit joue de la rupture tant dans la forme de son
écrit que dans son contenu, comme l’annonce d’emblée la citation de Cioran en
exergue :
Il ne faut écrire et surtout publier que des choses qui fassent mal, c’est-à-dire dont on se souvienne. Un livre doit remuer des plaies, en susciter même. Il doit être à l’origine d’un désarroi fécond, mais par-dessus tout, un livre doit constituer un danger. [p. 9]
Pour susciter ce « désarroi fécond », l’auteure
fait jouer plusieurs récits et textes dans son livre, qu’elle entrecoupe les
uns par les autres. Cela commence avec une première rupture, celle de son
ordinateur qui a rendu l’âme avant qu’elle ait sauvegardé le début de
l’histoire qui devait constituer son petit éloge. Elle la reconstituera malgré
tout et la continuera jusqu’à la fin. Cette rupture entre « Elle » et
« Lui » est interrompue à plusieurs reprises par d’autres
récits-témoignages de Brina Svit, comme celui de son choix d’écrire en
français, et non plus seulement dans sa langue maternelle, le slovène. Ce qui
coupe le texte, c’est également l’intervention d’autres voix que celle de
l’auteure : celle-ci a invité son amie, Elisabeth Barillé, avec qui elle a
vécu une rupture amicale à en parler dans ce petit éloge sous forme d’une
conversation. Elle souhaitait également faire intervenir son éditeur, Richard
Millet, mais cela ne se fera pas. Sont enfin insérés des fragments de Gil
Courtemanche. Si cette forme très éclatée avait en effet créé un certain
désarroi chez moi la première fois, elle m’avait aussi charmée. On n’y trouve
pas de phrases « à la RM » (= Richard Millet), mais la langue
n’en est pas moins fluide et très belle dans certains passages.
Ce qui m’a marquée dans ce petit éloge, c’est la diversité
des ruptures mises en scène et l’aspect positif qui y est conféré : elle
est présentée comme un nouveau départ possible, notamment. J’aurais pu dire
avec Brina Svit « moi qui ai eu pendant longtemps peur de la
rupture » [p. 29] avant ma lecture : à présent, même si ce sentiment
persiste, j’essaie de l’envisager autrement et de repenser à ces
« charmants » textes qui coupent et tranchent les uns dans les
autres.
Un petit éloge très réussi, qui met en scène son thème tant
dans sa forme que dans son contenu.
[SVIT Brina, Petit
éloge de la rupture, Paris, Gallimard, coll. Folio, 2009.]
*
Petit éloge des petites filles
Eva Almassy
(relu le 11 août
2012)
Libellés : ABC au féminin, coup de griffe,
essai, témoignage.
Encore une fois, j’avais gardé un bon souvenir de ce petit
éloge, mais il s’est évanoui dès les premières lignes : j’avais
l’impression de ne rien comprendre, ni les réflexions de l’auteure sur son
sujet, ni l’enchaînement entre celles-ci. Le texte est en effet très
fragmenté : en cinq parties principales tout d’abord (Être, Savoir, Vraies princesses, Filles d’Ève et Invités),
puis en petits paragraphes sur des petites filles célèbres, sur certaines
caractéristiques de ces êtres à part, sur des témoignages d’écrivains ou de
chercheurs, etc. Ces petits textes sont insérés de façon aléatoire,
semble-t-il, sans que leur enchaînement soit explicité ou tout simplement clair
pour le lecteur. Cela a sans doute participé au fait que je n’ai pas distingué
les quatre premières parties : elles semblaient porter sur le même sujet,
sans avoir une particularité qui justifierait la division du texte. La dernière
partie, quant à elle, se distingue par le changement d’auteur : Eva
Almassy a invité cinq personnes (trois écrivains, une psychanalyste et une
actrice) à s’exprimer sur les petites filles par le biais d’un court texte. Le
seul qui m’a véritablement séduite est celui d’Éric Angelini : en quelques
mots, il narre la course de sa petite fille du bout du couloir à ses bras
ouverts. Sans chercher à construire une quelconque réflexion, son récit est
tout simplement touchant, et cela fait du bien après une telle déception générale.
[ALMASSY Eva, Petit
éloge des petites filles, Paris, Gallimard, coll. Folio, 2009.]
*
Petit éloge du catholicisme
Patrick Kéchichian
(relu le 17 août 2012)
Libellés : essai, témoignage.
Ce petit éloge est celui dont le sujet m’intéressait le
moins dans toute la série : c’est la raison pour laquelle je l’avais lu en
dernier, et cette première impression s’est encore une fois répétée lors de
cette relecture.
Il est pourtant bien construit : depuis le terme « éloge »
jusqu’au prénom « Marie », Patrick Kéchichian développe son sujet par
petits paragraphes pouvant se lire isolément, grâce à une table alphabétique en
fin de volume, ou l’un à la suite de l’autre, puisqu’ils ont un lien logique
les uns avec les autres tout en étant compréhensible seuls. Pour prendre la
défense de la religion qu’il/qui l’a adopté(e), l’auteur fait appel à une série
d’autres écrits, notamment à ceux de saint Paul, et propose une brève
bibliographie à la fin de ce petit livre. Son texte est à la fois très
personnel et très « théorique » : il témoigne non seulement en
son nom, mais aussi en celui du catholicisme et des catholiques, et ne peut
pour cette raison trop s’appesantir sur lui-même. Cela donne un équilibre assez
réussi selon moi, bien que je ne parvienne décidément pas à m’intéresser plus
que cela à ce sujet et aux paroles de cet auteur.
[KECHICHIAN Patrick, Petit
éloge du catholicisme, Paris, Gallimard, coll. Folio, 2009.]
***
Dans la même série :
- Janvier 2007 – petit éloge : d'un solitaire, du temps présent, de l'excès, de la peau
- Octobre 2007 – petit éloge : de la douceur, des grandes villes, de la jalousie, de l'enfance, de la bicyclette
- Septembre 2008 – petit éloge : des faits divers, de la haine, de la colère
- Septembre 2010 – petit éloge : des voisins, de la paternité
- Septembre 2011 – petit éloge : de la joie, du cinéma d’aujourd’hui, de la première fois, des amoureux du silence
- Septembre 2012 - petit éloge : des séries télé, des coins de rue
- Mai 2013 - petit éloge : des vacances, du Tour de France
- Septembre 2013 - petit éloge : des brunes, du désir
- Joyeux Noël - petit éloge : de la mémoire, du sensible, de la gourmandise, de l'ironie
Voilà un billet plein de surprises en effet. Je m'arrêterai sans doute sur le petit éloge de la vie de tous les jours et sur celui du catholicisme (même si le sujet ne me tente guère, la construction telle que tu la décris me plaît). Les deux autres ne correspondent pas à mon état d'esprit du moment.
RépondreSupprimerMerci pour ce partage!
J'espère que ces deux-là te plairont et te donneront peut-être envie d'en découvrir d'autres dans la collection. :)
SupprimerTu le donnes envie, mais en même temps j'ai peur d’être frustrée par ces petits bouquins, que cela soit trop lisse, pas assez de profondeur, enfin tu vois ce que je veux dire ;)
RépondreSupprimerC'est vrai qu'il ne faut pas y chercher trop de profondeur non plus en général, c'est souvent assez léger. Peut-être que ceux sous forme de nouvelles te plairaient davantage en évitant ce risque. ;)
Supprimer"Petite éloge de la vie de tous les jours" semble ressembler à l'ouvrage de Philippe Delerm " La première gorgée de bière..."... il pourrait donc fort bien m'intéresser ^^ Toujours sympa d'avoir de courts récits pour feuilleter "entre deux"!
RépondreSupprimerC'est ce que je pense aussi d'après ce que tu m'as dit du Delerm. ;) Ce n'était pas le bon moment de lecture pour moi, mais je pense qu'il pourrait te plaire.
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