La
collection « Petite philosophie du voyage » invite Anne Le
Maître, professeur d’histoire-géographie et auteur de carnets de voyage, à
exposer de quelle façon l’aquarelle apprend à regarder le monde autrement, tout
en nuances, et, en le restituant de manière sensible, permet de connaître à
nouveau pleinement le bonheur et l’exultation de sa découverte.
En commençant cette
petite philosophie du voyage après celle de Matthieu Raffard (sur la
photographie), je m’attendais à une certaine continuité, tant par les thèmes
choisis (qui sont tous deux une des formes de la représentation du monde) que
par la présentation de l’éditeur qui semblait mettre l’accent sur le regard,
prépondérant dans le texte de Matthieu Raffard. Cette attente a été trompée de
façon plus ou moins heureuse, Anne Le Maître traitant d’une série d’autres
paramètres de façon très intéressante, mais m’agaçant également par moments.
Après une
magnifique citation d’Une histoire de
bleu de Jean-Michel Maulpoix, l’auteure ouvre son texte de façon très
abrupte en affirmant un positionnement assez humble :
Je ne suis pas peintre. Simplement je peins. A l’aquarelle. Il ne s’agit pas d’art, quoi que ce mot puisse signifier. […] Pour moi comme pour tous ceux qui ne partent jamais en randonnée ou en voyage sans avoir glissé au préalable dans leur bagage un bloc de papier, un crayon et quelques tubes de couleur, la peinture vagabonde – cette façon d’aller à la rencontre du réel un pinceau à la main – est plus qu’une activité : un mode de vie. [p. 11]
Cette attitude humble
face au monde revient par la suite sous la plume de l’auteure comme une des
nécessités à la peinture et à la vie en général. Sont également longuement
abordées les questions du temps et de l’espace, les deux composantes du
voyage : on sent que l’auteure connaît son sujet (elle est professeur
d’histoire-géographie), sans pour autant noyer le lecteur sous les références
et les informations. Selon elle, il est inutile d’aller loin pour voyager et il
faut réapprendre le temps du voyage, par la marche notamment. Toutes ces
réflexions sont nourries par des anecdotes personnelles, narrées de façon
fluide et très agréable : celle de la découverte de l’aquarelle notamment
est vraiment belle, avec toute l’émotion que recèle ce souvenir et les descriptions
très évocatrices.
Malheureusement, il
y a eu un « mais » dans ma lecture : Anne Le Maître compare
souvent l’aquarelle, ou la peinture en général, à la photographie, au détriment
de la seconde. Cela m’a souvent agacée, surtout après avoir lu toutes les
possibilités de cet art sous la plume de Matthieu Raffard. Dans l’ensemble, je
trouve dommage que l’auteure ait délimité son art par des comparaisons
négatives, par exclusion, en le plaçant au-dessus des autres plutôt qu'à leurs côtés : cela contredit l'humilité prônée ci-dessus d'après moi. C’est sans doute l’un des éléments qui m’a empêché de
me sentir tout à fait invitée au sein de ce texte, comme le proposait pourtant
le titre. Heureusement, dans les dernières pages (un peu tardivement,
pourrait-on dire), le « miracle » s’est produit : en abordant la
question des lecteurs des carnets de voyage, Anne Le Maître a réussi à
m’entraîner vraiment dans son texte, jusqu’au point final.
Un beau voyage,
agrémentés de réflexions intéressantes, malgré quelques petits accrocs pour ma
part avec l’expression de certaines.
[LE MAÎTRE Anne, Les bonheurs de l’aquarelle. Petite
invitation à la peinture vagabonde, Paris, Transboréal, coll. Petite
philosophie du voyage, 2009.]
* Défi 100 pages *
***
Dans la même collection :
- Le goût de la politesse, Bertrand Buffon
- La poésie du rail, Baptiste Roux
- La caresse de l'onde, Patrice de Ravel
- L'écriture de l'ailleurs, Albéric d'Hardivilliers
- La magie des grimoires, Nicolas Weill-Parot
- La soif d'images, Matthieu Raffard
- Les arcanes du métro, Baptiste Roux
- Les sortilèges de l'opéra, Julie Boch
- Les vertiges de la forêt, Rémi Caritey
- Le charme des musées, Frédérique Bardon
- Le temps du voyage, Patrick Manoukian
- L'écho des bistrots, Pierrick Bourgault
Bonjour Minou !
RépondreSupprimerNotre lecture a été différente. Je ne me suis pas attardée sur la photographie, il me semble même que j'ai occulté ces passages car je ne m'en souviens pas. D'ailleurs, je n'en parle pas dans mon billet d'après mes souvenirs (je vais aller me relire !). J'ai aimé la façon d'aborder la peinture et de préserver le temps accordé à la contemplation. J'aime avant tout cette image de l'artiste saluant la beauté des choses. Je me suis pratiquement identifiée à elle pour ses escapades dans les chemins et ses voyages. J'ai apprécié aussi la déclinaison des couleurs dans les mots.
Bise et à bientôt
Bonjour Syl :)
SupprimerLe fait d'avoir lu l'ouvrage de Matthieu Raffard sur la photographie peu de temps auparavant a sans doute joué dans mon attention à cet art et aux comparaisons qui sont faites par Anne Le Maître, je pense, ainsi que le fait qu'il s'agit d'une activité que j'apprécie beaucoup : j'ai eu du mal à accepter de la voir attaquée à plusieurs reprises.
Pour le reste, je ne me suis pas autant identifiée à l'auteur, d'où nos lectures différentes : j'aurais aimé la lire comme toi et aimer ce petit livre comme j'ai tant aimé d'autres de la collection. Je n'ai malheureusement pas vu toutes les merveilles que tu évoques. Ce fut une rencontre en partie manquée.
A bientôt et merci d'être venue ici. :)
Voilà encore une invitation au voyage séduisante. La lecture de ton billet et celui de Syl (à la suite de son comm) donne envie!
RépondreSupprimerMerci à toutes deux!
J'ai un avis plus mitigé que Syl, donc j'espère que tu seras plutôt charmée comme elle que comme moi. ;)
SupprimerC'est vrai qu'elle a l'air bien cette collection :) !
RépondreSupprimerOn compare régulièrement la photo et la peinture, ce qui a pu créer une défensive chez l'auteur ?
J'aime beaucoup cette collection et ai eu la chance d'y choisir presque toujours de très bons ouvrages. :) Elle est vraiment à découvrir !
SupprimerJe n'y avais pas pensé, c'est possible, oui. Néanmoins, si je peux comprendre ce réflexe défensif, je n'apprécie pas pour autant d'être attaquée sans avoir rien fait pour cela : il y a d'autres façons de se défendre.