La femme qui attendait, Andreï Makine


Présentation de l’éditeur :

À Mirnoïé, sur les bords de la mer Blanche, personne ne croit plus au retour de Koptev. Personne, sauf Véra. Depuis trente longues années, telle Pénélope, elle attend obstinément son homme. Un jeune écrivain venu de Leningrad la remarque et se met en tête de percer les mystères de cette âme qui se débat, à la lisière de la folie et de la pureté absolue. Un texte éblouissant de grâce et de pudeur.


Mon avis :

Lorsque j’ai choisi ce titre d’Andreï Makine avec Métaphore pour notre lecture commune mensuelle, je ne m’attendais pas à être aussi agréablement surprise : j’avais gardé un souvenir flou de La musique d’une vie et peu d’envie de découvrir le reste de l’œuvre de cet auteur. Je ne me suis heureusement pas obstinée dans cette attitude et ai été charmée par cette Femme qui attendait.

Le style tout particulièrement m’a semblé plus travaillé et mieux déployé dans de magnifiques descriptions, notamment de paysages dans lesquels apparaît cette femme si patiente. Ces passages participent à la construction de l’ambiance, au fil des saisons, et créent une lenteur – qui pourra déranger certains lecteurs, tandis qu’elle m’a ravie –, qui constitue une des composantes essentielles de ce texte. En effet, comme l’indique le titre, il s’agit d’un récit de l’attente : attente du soldat parti à la guerre, attente de la mort (celle des vieilles du village, peut-être la sienne aussi), attente de l’amour et de l’homme qui saura briser cette prison dans laquelle elle s’est enfermée. Dans ce village au regard tout entier tourné vers le passé et le sentier d’où doit revenir l’amant, le temps est comme arrêté, d’où cette lenteur ambiante qui s’étend jusqu’à la narration même et pose le narrateur citadin en étranger, à l’instar du lecteur.

Un autre effet de cette ambiance si particulière est de sembler onirique, presque irréelle. Tout passe par le regard du narrateur, c’est-à-dire selon son point de vue subjectif et partiel, ce qui se marque par l’expression de ses doutes et par ses opinions parfois contradictoires sur Véra, la femme qui attend. À la fin du récit, on ne connaît toujours pas la vérité de ce personnage si mystérieux, malgré quelques confidences volées lors d’une soirée alcoolisée : le « Destin » est intervenu avant que ne soit révélé le secret de cette vie. Comme un miroir brisé à recomposer, nous n’avons que les différents regards – fantasmés, jaloux, méprisants ou déçus – du narrateur pour tenter d’imaginer cette figure féminine dont on peut se demander si elle n’est pas le fruit de son imagination. Par cette frontière floue entre rêve et réalité, se pose la question de la littérature, d’autant plus que le narrateur est un poète en mal d’inspiration : l’intrigue se relit alors comme une quête amenant l’écriture de ce roman qu’on vient de terminer, comme je l’avais pressenti au premier chapitre.

Bref, je vous conseille vivement ce roman où Andreï Makine a su concentrer une vie dans un élément, l’attente cette fois, de façon brillante et virtuose.


La citation sur la quatrième de couverture :
Car celui qui doit venir viendra. Sinon l’amour n’est qu’un verre d’eau vite avalé.
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Cet article est également publié sur le blog Passion Bouquins.

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1 commentaire:

  1. Bonjour,
    c'est un plaisir à lire ce beau billet. Un de mes livres préférés d'Andreï Makine, un de mes auteurs préférés...

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