Présentation de l’éditeur :
« Peut-on
comparer le bon gros mensonge masculin, stratégique, architecturé, aussi ancien
que la réponse de Caïn, avec ces charmants petits mensonges de femmes dans
lesquels on ne décèle aucune bonne ou mauvaise intention, ni même aucun espoir
de profit ?
Que de charme, que de
talent, que de candeur et d’insolence, que d’inspiration créatrice et de
panache ! Il n’y a là ni calcul, ni espoir, ni profit, ni machinations…
Chez les femmes, le mensonge est un phénomène de la nature, comme les bouleaux,
le lait ou les frelons… »
Dans ce roman à
épisodes, Ludmila Oulitskaïa nous propose de subtiles variations sur le
mensonge au féminin. À travers Génia, le personnage principal, elle nous livre
les affabulations d’Irène, Lialia, ou encore Anna… et chaque histoire illustre
l’étendue de son talent, son sens de l’observation et, surtout, une grande
tendresse pour les faiblesses de la nature humaine.
Mon avis :
Roman à épisodes selon
l’éditeur (et l’auteur ?), recueil de nouvelles selon moi tant les
différents textes peuvent être lus indépendamment les uns des autres, la
dénomination de cet ouvrage peut prêter à variation en fonction de l’approche
des lecteurs. En effet, ce livre est très fragmenté, divisé en scènes de la vie
de Génia, le personnage principal de chaque nouvelle (excepté Un phénomène de la nature où elle est
secondaire et livre la clé du mensonge à la dupée). Contrairement à Sonietchka où l’on suivait la vie d’une
femme d’un bout à l’autre, de façon continue, ce sont ici des instants furtifs,
comme un petit film-souvenir, qui nous sont livrés, avec une plus grande attention
aux personnages « secondaires », les menteuses. Celles-ci sont
souvent charmantes, ingénues presque : une petite fille et une vieille
dame, par exemple. Cette innocence rend leurs mensonges d’autant plus interpelants :
sont-ils dû à une maladie mentale, à un désir d’être plainte ou reconnue, ou encore
à l’envie de se rêver une vie plus belle ? A moins qu’ils ne soient
naturels « comme les bouleaux, le lait ou les frelons » comme le dit
l’introduction ?
C’est cette première
partie du livre, dont un extrait se trouve sur la quatrième de couverture, qui
m’avait donné envie de le lire : avec beaucoup d’humour, Ludmila
Oulistkaïa annonce son thème par le mensonge de Pénélope, femme d’Ulysse, grand
menteur lui aussi. Malheureusement, je n’ai pas retrouvé cet humour mordant
dans le reste du texte, comme je l’espérais : le ton y était plus tragique
et pathétique, à l’image des histoires que les femmes s’inventent. J’ai aimé la
diversité des récits et être surprise par la teneur de certains mensonges, qui
ne se situaient pas là où la narratrice s’y attendait, de même que moi. J’ai
également aimé ces psychologies féminines esquissées, plus ou moins
approfondies selon les nouvelles. Néanmoins, malgré ces éléments, je suis
restée sur ma faim et un peu déçue par cette exploitation trop faible du thème
choisi, peut-être à cause d’une attente trop élevée.
ABC au féminin : comme
l’indique le titre et la présentation de l’éditeur, ce livre aborde le sujet
des mensonges féminins et met donc en scène principalement des femmes, jeunes
ou plus vieilles, autour du personnage principal, Génia.
Extrait :
Elle chaussa ses lunettes, s’arma d’un crayon à pointe fine pour mettre des points d’interrogation dans les marges, et s’endormit sur-le-champ, bercée par cette merveilleuse musique à multiples voix qui remplit une maison de campagne pendant la pluie : le crépitement des gouttes sur les feuilles, les coups cognés contre la vitre, de mélodieuses vagues sonores à la moindre saute de vent, le clapotis des gouttes à la surface de l’eau noire du tonneau, le carillon bien distinct des trombes d’eau dévalant la gouttière… Et le bruit le plus dangereux – celui, d’abord éclatant puis mat, des gouttes tombant au fond de la cuvette posée dans le grenier sous le toit qui fuit.
[OULISKAÏA Ludmila, Mensonges de femmes, Paris, Gallimard,
2008, coll. Folio, trad. du russe par Sophie Benech, pp. 67-68.]
***
De la même auteure :
J'aime beaucoup cette auteure-là, je garde un souvenir mémorable et délectable de "joyeuses funérailles". Tu me tentes avec celui-là.
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